Non, Madame la Ministre, le magasin physique n’appartient pas à l’ancien monde !

3 juillet 2018
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Les acteurs du commerce ont été profondément choqués par votre réaction face aux difficultés rencontrées par notre secteur : « Demain, on ne peut pas garder les métiers du passé. On ne peut pas garder la bougie quand l’électricité arrive. »

Certes le commerce physique est confronté à un bouleversement majeur de son modèle économique lié à la montée en puissance du e-commerce et à la transformation des modes de consommation.

Mais les difficultés du commerce physique ne s’expliquent pas seulement par ces transformations de son environnement. Elles résultent très largement d’une incroyable et inacceptable disparité des conditions de concurrence.

Face à ces défis, seule une mobilisation de tous permettra de préserver le commerce physique, notamment le commerce de centre-ville si important pour l’équilibre de nos territoires !

Les enseignes pour leur part sont pleinement engagées dans la transformation de leur activité vers un modèle omnicanal avec un seul et unique objectif : offrir aux clients le meilleur des deux mondes, physique et digital. Pour y parvenir, elles investissent massivement dans leurs outils logistiques et digitaux ainsi que dans la formation de leurs vendeurs. Elles innovent avec succès puisque déjà près 17% du chiffre d’affaires de l’habillement est réalisé sur internet.

Pour autant, le magasin physique n’est pas mort ! Mieux encore, il se réinvente pour offrir aux clients une expérience shopping réussie. Le point de vente physique reste un point de contact majeur pour le client, pour lui permettre de découvrir de nouveaux produits, les essayer et bénéficier des conseils d’un vendeur. Selon l’étude du Cabinet Kantar TNS publié il y a quelques jours, 65% des consommateurs et 54% des 18-24 ans achètent principalement leurs produits en magasin.

Le vendeur est au cœur de cette transformation !

Le secteur emploie 3,5 millions de salariés, dont près de 200 000 dans l’habillement et la chaussure. Près de 90% des effectifs travaillent en magasin. Face à un client plus exigent, mieux informé et plus mobile, le vendeur voit sa fonction évoluer pour être davantage encore orientée vers le conseil et l’accompagnement.

Les enseignes investissent pour former leur personnel à l’acquisition de ces nouvelles compétences. En témoigne aussi la signature, à l’initiative de l’Alliance du Commerce et du FORCO, de l’Engagement de développement des compétences (EDEC) le 3 octobre 2017 avec le Ministère du Travail. Ou encore, le lancement au printemps d’un MOOC Top Vendeur pour permettre aux vendeurs de s’approprier les nouveaux outils digitaux.

Dans ce nouveau monde, les enseignes savent enfin faire preuve d’imagination et jouer collectif en nouant des partenariats pour recréer de la valeur. Les récents accords entre acteurs physiques et spécialistes du e-commerce illustrent parfaitement cette dynamique.

Les enseignes se transforment donc activement. Pour autant, elles ne peuvent réussir seules face aux géants mondiaux que sont Alibaba avec 23 Mds $ de chiffre d’affaires et Amazon avec plus de 177 Mds$ en 2017. Qui peut, comme Amazon, qui a enregistré une perte opérationnelle de 3 Mds $ en 2017 sur ses activités à l’international, se permettre de ne pas être durablement rentable sur son activité ? Malgré cela, le géant américain a dépensé plus de 22 Md$ en R&D en 2017 !

Non, les enseignes ne peuvent pas tout.

Les Pouvoirs publics ont une responsabilité majeure pour aider le commerce physique à assurer sa transition, en créant un environnement légal et réglementaire propice à sa réussite. Ils doivent rétablir un traitement équitable entre tous les acteurs et mettre un terme aux distorsions fiscales et sociales que subissent depuis trop d’années les enseignes omnicanales par rapport aux multinationales « pure player » du e-commerce. La réforme de la fiscalité pesant sur le commerce, notamment au niveau local est donc une priorité absolue !

L’action publique doit également soutenir l’investissement des commerces en matière logistique et digital. Les dispositifs de suramortissement fiscal ou de crédit d’impôt, déjà mis en place par le passé, ont fait leurs preuves.

Enfin, face à un canal de distribution internet très agile, l’effort de simplification réglementaire et normative doit se poursuivre pour favoriser le recrutement dans les magasins physiques et la rénovation rapide du parc immobilier. Comment ne pas s’agacer, malgré les progrès accomplis, de la lenteur avec laquelle la question de l’ouverture dominicale évolue, quand on sait que nos concurrents digitaux sont ouverts 24h/24 et 7j/7 ? Comment ne pas être découragé lorsqu’on constate les conséquences financières très lourdes pour le commerce physique de la réforme de la formation professionnelle qui supprime le principe de mutualisation des fonds à l’heure où nous devons massivement former nos salariés ? Et que penser de l’amendement gouvernemental qui vise à imposer le calcul de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés au niveau de chaque entreprise sans tenir compte de la spécificité des établissements de moins de 20 salariés ?

Alors Madame la Ministre, vous avez raison : « On ne peut pas garder la bougie quand l’électricité arrive ». L’invention de Thomas Edison, père de l’ampoule électrique, en 1879, fit disparaître celle du chimiste français Michel-Eugène Chevreul, qui avait donné naissance en 1825 à la bougie « moderne ».

Souhaitons au commerce de notre pays, qui a toujours su innover en matière de distribution, de ne pas subir le même sort et de disparaître sous l’hégémonie des géants mondiaux. A chacun de prendre ses responsabilités !

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