Médiation sur les loyers : pourquoi les grandes fédérations renoncent à signer ?

3 juin 2020
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MÉDIATION SUR LES LOYERS
ENTRE BAILLEURS ET COMMERÇANTS
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POURQUOI LES GRANDES FÉDÉRATIONS RENONCENT À SIGNER ?

15 grandes fédérations du commerce (Alliance du Commerce, FCJPE, FENACEREM, FFF, FNAEM, FNCF, FNMJ, France active, Procos, ROF, SNARR, SNRPO, SNRTC, UBH et Union Sport & Cycle, dénommées ci-après « les Fédérations ») renoncent à signer la Charte de la médiation sur les loyers et alertent le Gouvernement sur la nécessité d’un véritable plan de soutien sectoriel pour sauver les millions d’emplois du secteur de l’habillement, de la culture, de l’électroménager, du multimédia, du meuble, du sport, du jouet, de l’optique, de la bijouterie-horlogerie, de la jardinerie ou encore de la restauration.

Dans le cadre de la médiation conduite par Jeanne Marie Prost, à l’initiative du Ministre de l’Économie Bruno Le Maire, et malgré leur participation active pendant plusieurs semaines, les Fédérations déplorent le refus des représentants des bailleurs de prendre sérieusement en considération les réels dangers encourus par les commerçants alors même que les annonces de procédures collectives se multiplient.

« Nous regrettons vivement que cette médiation n’ait pas permis de trouver un accord acceptable avec les bailleurs sur la question des loyers. Nous dénonçons fortement les propositions formulées dans le projet de Charte. Limitées, non contraignantes, déséquilibrées et excluantes, elles témoignent de l’incompréhension totale d’une majorité des bailleurs des conséquences graves de la crise du Covid-19 pour notre secteur. Nos nombreuses propositions n’ont pas été entendues lors de cette médiation. Le problème des loyers reste donc entier.


Malgré la réouverture
d’une part importante des établissements, nos commerces et nos entreprises sont en danger. Il est impératif et urgent de trouver des solutions pour sauver les emplois et les entreprises, quels que soient leur taille et leur lieu d’implantation. Nous continuerons à accompagner nos adhérents sur le sujet des loyers et appelons le Gouvernement à travailler en urgence à l’élaboration d’un plan de soutien spécifique à l’ensemble des acteurs du commerce », déclarent les Fédérations opposées au projet de Charte sur les loyers.

UNE CHARTE LIMITÉE, NON CONTRAIGNANTE, DÉSÉQUILIBRÉE ET EXCLUANTE

Les fédérations dénoncent le caractère limité, non contraignant, déséquilibré et excluant des mesures formulées par la Charte :

 Limité : car la Charte comprend surtout une mesure de report d’un trimestre de loyers qui, de fait, est déjà largement appliquée.

Non contraignant : car elle prévoit seulement une possibilité de franchise pouvant aller pour chaque bailleur « jusqu’à 50% » de la masse des loyers reportés. Cette formule ne présente aucune obligation puisqu’un bailleur qui accorderait par exemple 10% de franchise respecterait la Charte.

Déséquilibré : car elle laisse aux bailleurs la liberté de décider lesquels de ses commerçants méritent d’être accompagnés ou non sous réserve que ces derniers en fassent la preuve.

– Excluant : car elle ne prend pas en compte dans son périmètre, sans raison valable, tous les lieux encore fermés, comme les cinémas, les bars et restaurants dans les zones orange, et les commerces implantés dans les centres commerciaux de plus de 70 000 m², et que l’Etat n’a pas autorisés à rouvrir le 2 juin.

Plus largement, la Charte ne comporte aucune mesure pour inciter les bailleurs à accompagner fortement leurs locataires durant cette période de crise.

Cette absence d’engagement des bailleurs intervient malgré les contreparties constructives proposées par les locataires : protection des bailleurs les plus fragiles en finançant un fonds de solidarité chargé de leur assurer les loyers, prolongation de la durée des baux proportionnelle à la franchise accordée, accompagnement fiscal pour les loyers abandonnés.

AUCUNE AVANCÉE SIGNIFICATIVE PAR RAPPORT AU PREMIER ACCORD DES BAILLEURS

Les fédérations dénoncent également le fait que la Charte n’apporte aucun bénéfice significatif nouveau aux entreprises par rapport aux déclarations des bailleurs dans leur communiqué de presse en date du 17 avril dernier. Selon ce texte, les représentants des bailleurs préconisaient déjà l’annulation de 3 mois de loyers pour les TPE et des discussions au cas par cas avec les locataires en difficulté.

Alors qu’une partie des bailleurs a parfaitement compris le contexte en annonçant des mesures fortes d’accompagnement de leurs clients, le texte de la Charte témoigne d’une incompréhension totale d’une majorité d’entre eux de la réalité de la situation économique et de leur choix de privilégier leurs intérêts de court terme à la relation de long terme.

Les Fédérations regrettent que cette charte n’ait pas voulu prendre exemple des positions d’une part toujours plus importante de bailleurs qui soutiennent réellement les entreprises en actant l’abandon des loyers durant la période ou en adoptant une progressivité des loyers à la reprise d’activité.

LA NÉCESSITÉ DE TENIR COMPTE DES PRINCIPES DE FORCE MAJEURE ET D’INEXÉCUTION DU CONTRAT

Les fédérations rappellent que les circonstances exceptionnelles de la crise du Covid-19 imposent l’application aux conventions de bail des principes juridiques de force majeure et d’inexécution du contrat. Ainsi, lorsque l’activité est rendue impossible du fait du non-respect par le bailleur de son obligation de délivrance du local commercial – comme ce fut le cas durant la période de confinement -, alors le commerçant est délivré de son obligation de payer le loyer. Quand l’activité est anormalement dégradée, une adaptation des loyers doit intervenir.

Sur ce fondement, une médiation volontariste aurait pu permettre des négociations de gré à gré pacifiées évitant des recours contentieux massifs.

VERS UN PLAN DE SOUTIEN SECTORIEL POUR SAUVER LES MILLIONS D’EMPLOIS MENACÉS DANS LE SECTEUR DU COMMERCE

Les Fédérations constatent quotidiennement les situations très fragiles dans lesquelles sont les entreprises, les situations de redressement judiciaire se multiplient (Camaieu, Alinéa, Orchestra, La Halle, André, Un Jour Ailleurs, Verywear, etc.). Elles rappellent le rôle économique et social majeur joué par les commerces dans notre pays. Vivier d’emploi local, ils contribuent à l’animation des territoires, à la vitalité du lien social et à la création de richesses partout en France.

Les commerces, quelle que soit leur taille, ont subi des pertes considérables durant la période de confinement et connaissent depuis leur réouverture une forte baisse de trafic estimé en moyenne entre 30 et 50%. Nombre d’entre eux enregistrent également d’importantes baisses de chiffre d’affaires par rapport à l’année dernière.

Les entreprises sont par conséquent dans une situation financière extrêmement précaire. Elles continuent d’assumer le poids financier de leur stock invendu et devront faire face dans les mois à venir au financement de leurs prochaines commandes ainsi qu’au paiement de leurs échéances fiscales et sociales, et au remboursement de leur prêt garanti par l’État.

Avec l’échec de cette médiation, le problème des loyers n’est pas solutionné. Les Fédérations rappellent qu’elles estiment que ce sont plus de 400 000 emplois et 50 000 établissements qui sont directement menacés et dont la disparition entraînerait l’explosion du taux de la vacance commerciale dans les territoires.

Comme il le fait à juste titre pour l’automobile, l’aéronautique et le tourisme, elles appellent le Gouvernement à prendre conscience de l’ampleur de la crise traversée par l’ensemble des commerces et à mettre en place un véritable plan de soutien pour accompagner la survie et la transformation des acteurs à la société de demain.

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