Les fédérations du commerce et le Medef ont alerté le gouvernement sur la fréquente requalification d’entrepôts commerciaux, sous prétexte de mécanisation, en sites industriels, avec, à la clé, une explosion des taxes foncières.
Devant l’émoi des professionnels, Bercy a suspendu les mesures de requalification en cours et a confié à un groupe de travail le soin de déterminer de nouveaux critères, adaptés à l’évolution des techniques, pour définir la nature d’un entrepôt commercial par rapport à une « immobilisation industrielle ».
Dans une démarche visant à aider les collectivités territoriales à optimiser leurs impôts locaux pour compenser la baisse des dotations de l’État, il semblerait que l’administration fiscale ait « poussé le bouchon » un peu loin. En effet, l’article 1499 du Code général des impôts ne précise pas clairement la notion d’immobilisation industrielle au regard de la taxe foncière et de la contribution foncière des entreprises. La jurisprudence et la doctrine administrative ont établi que devait être considéré comme industriel tout local où la force motrice est prépondérante, même lorsqu’il ne constitue aucunement un atelier se livrant à la fabrication et à la réparation d’objets.
Sur la base de sa doctrine très extensive et lui donnant de grandes marges d’appréciation, l’administration fiscale a multiplié les redressements ces dernières années. Les entrepôts de stockage et de logistique ont été très touchés. Ainsi ont été requalifiés en sites industriels des entrepôts commerciaux, au seul motif qu’y sont utilisés des chariots élévateurs, des monte-charges, ou encore des logiciels de gestion de commandes. Les conséquences d’une requalification sont importantes, voire dramatiques pour une petite entreprise : les contributions de taxe foncière peuvent être multipliées par 4, voire plus.
Dommages collatéraux pour les acteurs du commerce physique
Outre le souci de répondre à la demande des collectivités territoriales, le zèle de l’administration fiscale est sans doute également dicté par la volonté de celle-ci de mieux appréhender l’activité des pure-players du e-commerce. Une démarche certes louable, mais qui entraîne des dommages collatéraux. Ainsi, avec le développement rapide de l’automatisation, l’ensemble des plates-formes logistiques et de stockage peut être virtuellement requalifié. Par ailleurs, la marge importante d’appréciation laissée à l’administration fiscale engendre de grandes disparités d’un département à l’autre. Il en résulte une insécurité juridique qui nuit, globalement, aux investissements dans notre pays.
Une prise de conscience des enjeux économiques
Le ministère de l’Action et des Comptes publics de Gérald Darmanin a notamment demandé aux services de contrôle de faire preuve de « retenue » dans les procédures de redressement en cours, dans l’attente des résultats de la concertation qu’il a engagée avec les professionnels et les élus locaux. En fait, un groupe de travail, animé par la Direction générale des finances publiques, a été constitué afin de préciser la définition de différents types de sites : immobilisation industrielle ; entrepôt commercial de logistique et de stockage ; data center, etc. Il devra rendre son rapport avant le 1er juillet, pour que ses conclusions soient éventuellement introduites dans la loi de finances 2019, laquelle sera présentée fin septembre. Selon nos dernières informations, la DGFIP ne souhaite pas remettre en cause le critère de la prépondérance des outillages.
Il faudra alors que ce critère soit mieux défini par une instruction limitant drastiquement la liberté d’appréciation des contrôleurs. Le débat est donc loin d’être clos. Il est important pour notre secteur, au-delà des conséquences des redressements pour chaque entreprise. Le développement du commerce omnicanal ne peut pas être entravé par une inadaptation des règles fiscales, qui soit ferait partir les entrepôts en Belgique, soit donnerait un avantage à Amazon qui négocie des exonérations de taxes locales – certes temporaires – à chaque fois qu’il crée une plate-forme. Nous invitons nos adhérents, confrontés à une procédure de requalification, à se prévaloir de nos informations. Par ailleurs, nous souhaiterions que les entreprises ayant été récemment confrontées à ce type de contrôle nous contactent. L’Alliance suivra attentivement ce dossier et vous tiendra régulièrement informés