Cover, association loi 1901, a pour vocation d’aider (notamment grâce à son web-magazine Cover-Dressing) les personnes handicapées à effectuer, dans les meilleures conditions, leur shopping en matière d’habillement. Muriel Robine, présidente et fondatrice de cet organisme, nous explique comment on peut déstigmatiser le handicap par l’habillement.
Votre objectif est de faciliter le shopping des personnes qui rencontrent des difficultés à s’habiller. Quelles sont, en l’occurrence, la nature de ces difficultés ?
Nous avons identifié quatre situations de handicap qui compliquent l’habillage des personnes concernées : certaines personnes ne peuvent s’habiller que d’une main pour diverses raisons médicales ; d’autres s’habillent assises, comme des paraplégiques ; d’autres encore doivent recourir à l’aide d’un tiers ; enfin de nombreux séniors peinent à s’habiller. Toutes ces personnes recherchent des vêtements faciles à enfiler malgré leur handicap. Selon une étude, près de 2 millions de personnes éprouvent des difficultés à se vêtir du fait d’un handicap.
Comment votre organisme apporte-t-il son aide aux personnes handicapées ?
Paradoxalement, les collections de mode produisent des vêtements ergonomiques, sans que ceux-ci soient identifiés comme tels. De ce fait, des pièces qui conviennent au plus grand nombre sont noyées dans l’ensemble de l’offre, et leur recherche dans les rayons est laborieuse, Nous avons donc mis au point deux méthodologies pour faciliter, à la fois, le shopping des personnes concernées et le service des équipes de vente. La première concerne l’élaboration d’un label « Bien à Porter », fruit d’un gros travail de R&D, basé sur des centaines d’essayages. Ainsi, notre équipe pluridisciplinaire est en mesure d’identifier les capacités fonctionnelles nécessaires au port et à l’enfilage d’un vêtement. À travers l’ensemble des informations recueillies, nous étudions des collections complètes pour en faire émerger les pièces pouvant répondre aux contraintes des quatre formes d’handicap que j’ai décrites. Nous souhaitons que les marques de prêt-à-porter nous permettent d’étudier leurs collections pour apposer sur les vêtements éligibles le logo « Bien à Porter », un signe de reconnaissance qui facilitera le shopping et la vente. Parallèlement, nous intervenons en « personal shopper » et accompagnons les personnes à mobilité réduite dans leurs achats. Nous développons ce type action avec des centres commerciaux en Normandie. Suite à notre prochain essaimage, nous allons être en mesure de proposer ces accompagnements dans de nombreuses autres régions.
Quel accueil réservent les enseignes à vos initiatives ? Plus généralement, qu’attendez-vous des professionnels de l’habillement ?
Les équipes des points de vente que nous rencontrons trouvent notre projet pertinent. Elles reconnaissent être souvent démunies face à une clientèle à mobilité réduite et aux difficultés que rencontrent ces personnes lors des essayages. Elles apprécient donc notre démarche de « personal shopper ». En ce qui concerne le développement du label « Bien à Porter », la donne est différente. Si les équipes de terrain y sont favorables, on observe une réticence de la part des directions marketing, dont certaines craignent que la notion de handicap ne vienne ternir leur image. Pourtant, les marques ont intérêt à intégrer la notion d’accessibilité universelle à leurs vêtements. Ce qui permet d’élargir leur clientèle, d’enrichir les approches métiers des stylistes, de donner du sens aux travaux d’accessibilité des points de vente. Heureusement, certaines marques s’intéressent à nous. Les freins culturels commencent à s’assouplir. Nous proposons aux enseignes d’effectuer une veille pour leur signaler les pièces « Bien à Porter » présentes dans leurs rayons ; ou d’évaluer directement des prototypes. Enfin, nous leur offrons d’adhérer à notre association et d’intégrer notre service de « personal shopper ».
Quel bilan dressez-vous de votre action et quels sont vos projets de développement ?
Nous avons beaucoup travaillé sur la R&D. Notre socle de connaissances est solide et nous permet d’envisager de nouveaux développements. Par exemple, la création d’un réseau social « Shopping et handicap », une application mobile innovante, ou celle d’un logiciel « bilan habillage » pour les ergothérapeutes. Ces outils verront le jour courant 2018. Nous envisageons, pour la fin de l’année, la création d’une antenne Cover Dressing à Paris, puis à Lyon et à Lille. Nous sommes soutenus par les services de l’État, par de nombreuses fondations et par les collectivités normandes. Par ailleurs, nous sommes contactés depuis toute la France, et même de l’étranger. C’est encourageant !
En quoi votre projet est-il novateur ?
Il n’existe aucun pont entre le prêt-à-porter, les personnes handicapées et les professionnels de santé. Le problème ne se posait pas lorsque les vêtements étaient fabriqués sur-mesure, mais depuis l’avènement du prêt-à-porter, la donne est différente. En voulant se démocratiser, la mode a en fait exclus les corps « hors normes », tout en rendant ces normes toujours plus restrictives. En pleine mutation, elle essaie de se ré-emparer d’une responsabilité sociale. Cover Dressing peut l’y aider. Montrons que la mode, fleuron français, peut être exemplaire et généreuse, en phase avec la société.