La dévitalisation commerciale du centre-ville des petites et moyennes agglomérations est devenue une préoccupation croissante pour les acteurs économiques et le monde politique. Afin de contrer ce phénomène et d’inverser la tendance, plusieurs dispositions (tant d’origine gouvernementale que d’origine parlementaire), dont certaines concernent directement le commerce, ont été intégrées dans divers processus législatifs en cours. Nous faisons le point.
Un projet de loi présenté par le gouvernement et une proposition de loi du Sénat comportent des mesures visant à favoriser l’activité commerciale en centre-ville. Le projet de loi ELAN (évolution du logement, de l’aménagement et du numérique), en cours de discussion au Parlement, prévoit la création d’opérations de revitalisation du territoire (ORT), qui bénéficieront d’allègements réglementaires, telles que l’exonération de passage en CDAC ou la mise en œuvre accélérée du droit de préemption pour faciliter le remembrement des cellules commerciales.
En outre, le préfet aura la possibilité, sous certaines conditions, de suspendre des projets commerciaux qui menaceraient la réalisation d’une ORT en cœur de ville. Ces ORT sont la concrétisation législative du plan « cœur de ville », lancé à la mi-décembre par le Premier ministre.
Une enveloppe de 5 milliards d’euros, sur cinq ans, sera consacrée à la revitalisation des centres de villes petites et moyennes. Au total, 222 villes (représentant 23 % de la population et 26 % des emplois) pourront bénéficier de ce dispositif, qui recevra des apports financiers de la Caisse des Dépôts, d’Action logement et de l’Agence nationale de l’habitat. L’idée maîtresse est de faciliter le financement des projets de réhabilitation touchant à la fois le logement et les activités économiques, en mettant en place un guichet unique pour les collectivités.
L’Alliance du Commerce soutient la mise en œuvre du plan cœur de ville, dont de nombreuses mesures correspondent à celles qu’elle avait préconisées dans son livre blanc. Toutefois, nous proposons de compléter les ORT par différentes dispositions, pour rendre ce plan encore plus efficace : allègements fiscaux pour les commerces ; extension des « permis d’innover » dans le domaine des normes de construction. L’Alliance propose également des mesures d’ordre plus général : généralisation des plans locaux d’urbanisme au niveau intercommunal (PLUI) ; réforme des CDAC (dans leur composition et dans le contenu des dossiers) afin de mieux évaluer l’impact économique des projets qui leur sont soumis ; accélération de la numérisation des règles d’urbanisme ; dématérialisation des procédures de dépôt des dossiers ; simplification de l’installation des commerces en pied d’immeuble ; ouverture des commerces alimentaires le dimanche après-midi, etc.
L’Alliance a multiplié les échanges avec les cabinets ministériels et les parlementaires au sujet de ce projet de loi. Il semblerait que le gouvernement souhaite traiter les problèmes de fiscalité touchant les commerces dans le cadre du prochain projet de loi de finances. Par contre, il se montre sensible, ainsi que de nombreux parlementaires, au renforcement des études d’impact économique des projets sur le centre-ville. Des études qui pourraient être confiées aux chambres de commerce et d’industrie. Le texte ELAN fixe également un objectif de réduction de 40 %, d’ici à 2030, de la consommation d’énergie du parc immobilier tertiaire. Sans remettre en cause cet objectif, l’Alliance fait des propositions afin d’en garantir l’effectivité : claire répartition des charges de rénovation entre bailleur et preneur, meilleure prise en compte des efforts déjà réalisés.
Un pacte national de revitalisation
Les sénateurs LR et centristes ont par ailleurs déposé une proposition de loi qui prévoit la mise en place d’un « pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs », s’appuyant sur la création d’opérations de sauvegarde économique et de redynamisation (OSER). Cette proposition de loi fait suite à la table ronde organisée par le Sénat sur le sujet, avec la participation active de l’Alliance (voir n° 65).
Le texte sénatorial comprend 31 mesures, dont certaines concernent directement les commerces :
- Bail commercial :
Expérimentation d’un nouveau contrat plus souple que le bail commercial, caractérisé par une durée négociée entre les parties, sans droit au bail et avec une redevance proportionnelle au chiffre d’affaires.
- CDAC
– Modification de la composition des CDAC, incluant une personnalité qualifiée en matière de commerce (désignée par les CCI), d’artisanat (désignée par les CMA) et d’agriculture (désignée par les chambres d’agriculture).
– Obligation pour les CDAC d’auditionner les associations de commerçants et le manager de centre-ville.
– Réduction de 1 000 à 400 m² du seuil des CDAC pour les projets situés hors du périmètre d’une convention OSER (avec possibilité de diminuer encore ce seuil au sein du périmètre).
– Droit d’opposition du préfet à une autorisation d’exploitation commerciale.
– Soumission à la CDAC des entrepôts de commerce électronique de plus de 1 000 m².
– Réforme du processus de délivrance des CDAC pour mieux prendre en compte le centre-ville (critère de préservation du tissu commercial, bilan carbone de l’implantation, exonération de CDAC de certains commerces s’implantant en centre-ville, etc.).
- Fiscalité
– Création d’une taxe sur les livraisons liées au commerce électronique, calculée au kilomètre parcouru entre le lieu de stockage et le point de livraison.
– Permettre aux élus locaux de réduire la Tascom dans les périmètres OSER ou d’en exonérer les commerces de proximité.
– Assujettir les drives à la Tascom.
La proposition de loi devrait être examinée par le Sénat le 13 juin prochain. L’Alliance du Commerce sera auditionnée préalablement par le rapporteur du texte.
Cette proposition de loi, émanant de l’opposition, a très peu de chance d’aboutir en l’état. Il s’agit avant tout d’un texte politique destiné à interpeller le gouvernement. Toutefois, elle comporte beaucoup de mesures très détaillées, rejoignant parfois les analyses du gouvernement et les préoccupations de la majorité LREM à l’Assemblée nationale. Par ailleurs, le Sénat, en tant que représentant des collectivités locales, a une forte légitimité sur ces sujets que le gouvernement ne peut ignorer.
L’Alliance suivra donc avec attention le devenir de ce texte et la réception de ses propositions par le gouvernement.